Comment jugez-vous les dix premiers mois de la présidence Hollande ?
Très décevants. Sans cap, sans vision, sans perspectives et sans beaucoup d’autorité sur son gouvernement. François Hollande a commis trois fautes originelles. La première est d’avoir sacrifié la relation franco-allemande à une vision partisane des relations internationales. La seconde est d’avoir détruit de manière systématique tous les instruments que nous avions mis en place pour lutter contre la crise, et ce au nom d’une vision manichéenne de la vie politique et au risque de mettre notre économie en panne complète. La troisième est d’avoir accru les divisions entre les Français avec des réformes qui creusent des fossés profonds à un moment où la crise économique et de civilisation appelait au rassemblement. Je pense notamment au mariage homosexuel, au droit de vote des étrangers, et au déchainement anti entrepreneurs, anti réussite. La politique conduite par François Hollande – je parle bien de sa politique, et non de sa personne - est plus médiocre que normale.
A-t-il pris la stature d’un président ?
S’il l’a prise, cela ne se voit pas.
Jugez-vous Hollande responsable des échecs et des couacs du gouvernement ?
Sous la Vème République, un président est toujours responsable.
Comment expliquez-vous son impopularité ?
Sa crédibilité a été considérablement affaiblie parce qu’il a construit sa campagne présidentielle sur un mensonge. François Hollande a volontairement nié la gravité de la crise. Sa victoire repose sur l’idée qu’une politique économique différente de celle que nous menions permettrait au pays de s’en sortir. Or cette politique alternative sans courage et sans effort promise pendant la campagne n’existe pas. Des compromis à la petite semaine à l’image des petites blagues dont il ponctue son parcours ne sont pas à la hauteur de la situation. La désillusion des Français est la cause profonde de son impopularité.
Le fait que les deux chefs de l’exécutif n’aient aucune expérience gouvernementale, aucune expérience du fonctionnement de l’état est un vrai sujet de préoccupation.
Le premier ministre a-t-il suffisamment d’autorité ?
A l’évidence non, mais il n’est pas aidé par le président de la République. Le Jean-Marc Ayrault d’aujourd’hui est loin du triomphant maire de Nantes que j’ai connu.
Le gouvernement vient d’annoncer que l’objectif des 3% de déficit ne serait pas tenu en 2013. Pensez-vous qu’il était possible ?
C’était possible, mais les mesures prises depuis 10 mois ne le permettent plus, sauf à prendre maintenant des décisions mortelles pour la France. Je pense notamment à notre outil de Défense, dont le sacrifice envisagé par le gouvernement serait une faute impardonnable, aux conséquences irréversibles.
La France est-elle entrée en récession ?
Quand un gouvernement annonce 0,1% de croissance, c’est que nous nous dirigeons vers la récession.
Aujourd’hui, la France décroche-t-elle ?
La France décroche de l’Allemagne et des pays d’Europe du Nord. Elle s’approche de la situation de récession durable qui est celle des pays les plus durement frappés par la crise, ce que nous avions avec Nicolas Sarkozy cherché à éviter. La politique économique menée par le gouvernement socialiste aujourd’hui est un désastre annoncé : comment peut-on espérer vivre seuls en Europe avec le handicap des 35 heures, d’un départ à retraite plus tôt que les autres, et d’une fiscalité sur les entreprises unique dans la zone euro ?
Avec la loi d’amnistie pour les syndicalistes, Hollande espère-t-il acheter la paix sociale ?
Cette loi d’amnistie est un mauvais coup porté au dialogue social et aux syndicalistes responsables. C’est aussi un exemple détestable pour nos concitoyens : comment les convaincre de respecter les lois si on amnistie ceux qui les ignorent. Avec cette loi, François Hollande espère surtout s’attirer les votes des sénateurs et députés les plus à gauche de sa majorité. C’est un tribut payé à cette aile gauche de la majorité, notamment le PC, à l’origine de la proposition de loi au Sénat – où le gouvernement a de plus en en plus de difficultés à faire passer ses textes. Ce qu’il cherche, comme les socialistes l’ont toujours fait dans leur histoire, c’est offrir des gages à la gauche de la gauche afin d’obtenir le maintien de sa majorité.
Le gouvernement doit-il renoncer au droit de vote pour les étrangers aux élections locales ?
Le droit de vote des étrangers, c’est une promesse électorale de plus aux oubliettes et tant mieux pour la République ! Il faut une majorité des trois cinquième, que je vois mal s’engager dans cette voie. Si malgré tout, le gouvernement s’obstinait, ce serait prendre le risque d’allumer un incendie. Quand un pays est en situation de crise économique et sociale, il recherche toujours des boucs émissaires. Le bouc émissaire naturel dans ces situations, c’est l’étranger. Ajouter une décision idéologique et partisane comme le droit de vote de ces étrangers, c’est mettre en péril l’unité nationale et notre pacte républicain.
Comment jugez-vous la politique européenne du chef de l’Etat ?
Le plus grave, c’est la remise en cause de la relation franco-allemande. Dans le contexte de crise que nous traversons, une entente très forte entre nos deux pays est plus que jamais une nécessité absolue. Or aujourd’hui cette relation de confiance est brisée. François Hollande défie la chancelière pour des raisons politiques. Pour lui, le soutien à la gauche allemande est plus important que la relation franco-allemande. Il joue la défaite de Mme Merkel. Plus qu’un pari politique extrêmement risqué, c’est une faute grave contre les intérêts de la France et de l’Europe, qui sont liés.
Diriez-vous que Hollande a rompu l’axe franco-allemand ?
Angela Merkel a été trompée plusieurs fois. La négociation sur le budget de l’Union européenne en particulier a été déplorable. Les anglais réclamaient le budget le plus bas, la commission défendait des buts irréalistes, et l’Allemagne était prête à un compromis raisonnable. Mais elle avait besoin, pour cela, d’un soutien français, qu’elle n’a pas eu. Résultat : Angela Merkel s’est retrouvée isolée et pour la première fois dans l’histoire européenne, l’Angleterre a obtenu satisfaction sur tout. Si M. Cameron avait eu en face de lui un front franco-allemand, il aurait été obligé de céder sur une partie de ses revendications. Il peut dire merci à François Hollande. Aujourd’hui je dis que si on veut être un vrai patriote, il faut prôner une intégration européenne plus forte. Le souci qui est le mien de préserver la grandeur de la France et le mode de vie des Français est indissociable de la sauvegarde de la civilisation européenne.
(Source : Valeurs Actuelles)
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